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jeudi 22 mars 2007

Okkervil River


Okkervil River c'est un groupe qui aurait dû devenir immense avec son dernier album, "Black Sheep Boy", sorti en 2005. Pour des raisons qui m'échappent ce ne fut pas le cas. Le public n'est pourtant pas complètement hostile à leur style musical folk/americana/rock. Preuve en est que d'autres songwriters américains modernes comme Bright Eyes parviennent maintenant à remplir facilement des grandes salles de concerts. Will Sheff et ses accolytes, pourtant tout aussi doués que Conor Oberst et son groupe peinent encore à jouer devant plus de 100-200 personnes dans nos contrées (ils ont déjà plus de succès dans leur propres pays, les Etats-Unis de l'Amérique).

"Black Sheep Boy" était peut-être trop ambitieux, pompeux, que pour obtenir un succès grand public mais c'est pourtant justement cela qui fait son charme. C'est un album "concept" qui trouve ses origines dans une chanson du même nom de Tim Hardin (musicien folk américain des années 60 qui participa au festival de Woodstock et fit partie de la scène effervescente du Greenwich Village avant de mourir d'une overdose dans les années 80). C'est sur la reprise de ce titre que s'ouvre l'album et tous les thèmes qui parcourent le disque y sont présentés : le rejet, l'indifférence, le fils prodigue... Le reste de l'album est une construction hystérique basée sur ce personnage, explorant toutes les facettes de ce "Black Sheep Boy" conté à la première personne par Will Sheff. On y découvre surtout les démons du narrateur et les différentes humeurs par lesquelles il passe. Ses humeurs sont présentées dans une alternance de chansons très calmes, ou le personnage se lamente sur sont sort ("Black Sheep Boy", "In a Radio Song" et surtout le duo avec une belle inconnue sur le passage à l'age adulte de "Get Big") , et de titres beaucoup plus relevés et dynamiques dans lesquels il relache toute la frustration accumulée au cours d'une vie jallonée d'amours déçus et d'incompréhension ("For Real" et l'incroyable "Black"). Plus qu'un album, "Black Sheep Boy" nous raconte véritablement une histoire et doit s'écouter de part en part avec la plus grande attention. Will Sheff n'écrit d'ailleurs pas des chansons aux structures classiques couplet/refrain/couplet/refrain/bridge/refrain, il y a rarement de rimes, ce sont toutes des petits fragments de vie qui parviennent à tenir ensemble grâce à l'habilité de leur compositeur.

L'album a été suivi d'un EP "Black Sheep Boy Appendix" quelques mois plus tards, qui continue des explorations sur le même thème, tout à fait indispensable également. D'ailleurs, la maison de disque (Jagjaguwar) a eu la bonne idée de rééditer les deux ensemble dans un seul coffret (et je pense avoir entendu qu'ils allaient encore sortir une version "deluxe", faudrait pas qu'ils exagèrent quand même). Cerise sur le gateau, le fascicule. Les illustrations qu'il contient sont parmis les plus belles qu'il m'ait été donné de voir dans un CD.

J'ai eu énormément de mal à choisir une chanson à présenter tellement l'album tient en un bloc et il est difficile d'en extraire un morceau. C'est donc finalement la plage d'ouverture que je vous propose, en guise d'introduction pour découvrir l'ambiance du disque et la superbe voix de Sheff. Pour le fun, je joins également la version originale. Cette chanson ne présente pourtant en rien tout le talent de songwriter de notre homme donc je rajoute en prime "The President's Dead", un titre tiré de leur EP "Overboard & Down" (uniquement disponible en Australie). N'y voyez pas une chanson protestataire dédiée à Georges Bush, il ne site pas de nom. C'est en fait une constatation sur la manière hypocrite dont lorsque quelqu'un de célèbre meurt, personne (et surtout pas les médias grands publics) n'est plus autorisé à dire du mal de lui pendant quelques semaines/mois. Cette personne devient canonisée "de fait" jusqu'à ce que l'émotion retombe. Il s'en suit un petit moment de grâce qui fait réfléchir les gens sur leur propre bonheur et les petits plaisirs du quotidien. En attendant leur prochain album (en cours d'enregistrement)...

Okkervil River - Black Sheep Boy (2005)



Tim Hardin - Black sheep Boy (1967)



Okkervil River - The President's Dead



Et pour ceux qui n'en ont jamais assez, la blogothèque a réalisé un superbe petit "Concert à Emporter" avec Will Sheff:





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