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vendredi 30 mars 2007

La Maison Tellier



Noir Désir. Lâchez ces deux mots au milieu d’une conversation entre amateurs de musique et le silence s’installera. Lorsque l’on parle de rock français, il est dur de passer à côté du sujet. Depuis que le leader du groupe bordelais est à l’ombre, celle de Noir Désir ne cesse de planer sur la scène rock francophone. Tostaky dans les oreilles, encore beaucoup d’entre nous se refusent à quitter la position fœtale lorsqu’il s’agit de laisser traîner ses oreilles sur quelque galette en provenance de l’hexagone, de peur sans doute d’y trouver quelques clones insipides de la bande à Cantat, ou pire encore de Damien Saez.

Pourtant, collectif blues/folk/country rouannais créé en 2004 au nombre indéterminé de musiciens (mais ça tourne toujours autour de 5 ou 6) qui portent tous des pseudonymes ringards (Raoul, Helmut et Léon Tellier), La Maison Tellier, auteur d’un album éponyme il y a un an tout juste, étonne à plus d’un titre. Tout d’abord, ils écartent habilement le choix cornélien sur lequel tout jeune groupe francophone bute tôt ou tard: celui entre la langue de Shakespeare et celle de Voltaire. Jonglant de l’une à l’autre, parfois même au milieu des chansons, la Maison Tellier s’affranchit ainsi de toute contrainte linguistique, qui fait parfois passer les groupes chantant en anglais pour des baltringues aux yeux des francophiles convaincus et ceux chantant en français pour des intellectuels pédants dans d’autres cercles. Ensuite, l’album dégage une saveur un peu particulière, celle d’une vision un peu naïve, candide, d’un far ouest normand imaginaire, un far ouest fait de bordels miteux (La chambre Rose, La Maison Tellier,…), tueurs à gages (Il n’est point de sot métier), et de delirium minables (Après Dissipation). Loin des clichés et poncifs à la Route 66 – chapeau de cow-boy dont nous gratifient souvent les amateurs de Country tendance square-dance, la Maison Tellier donne dans le sincère, créant une contrée imaginaire, sortie tout droit d’un livre d’images pour adolescents rêveurs.

L’ensemble est plutôt cohérent et d’excellent niveau, mais ce sont surtout les plages écrites en français qui tiennent le haut du pavé. Une me tient particulièrement à cœur : La Chambre Rose, qui dépeint un passage matinal au bordel (véritable « fil rouge » de l’album) ,et un moment passé avec une des filles, que l’on devine être d’une élégance tapageuse comparable à celle que Guy de Maupassant décrit dans la nouvelle qui donna origine au nom du groupe. Dans un registre un peu plus surprenant, il figure sur cet album une reprise bien léchée du mythique « Killing in the Name », des Rage Against The Machine, où le texte anti KKK et engagé des Rage se mélange avec bonheur au son fleurant bon les Etats du Sud de la Maison Tellier. C’est cette reprise qui permit au groupe de percer au-delà de la scène locale normande et de passer sur quelques radios nationales françaises.

Des textes soignés sur une folk classieuse, aux références nombreuses (on pense notamment à Calexico lorsque les trompettes apparaissent ça et là) sans pour autant tomber dans le plagiat éhonté , la Maison Tellier, bordel provincial, à certainement son mot à dire dans une scène rock française un peu noyée par l’effervescence de l’anglo-saxonne. À noter qu’un deuxième album est programmé pour cet automne, histoire de voir si le country rock français a de l’avenir.


La Maison Tellier - La Chambre Rose



La Maison Tellier - Killing in the Name



Pour les plus intéressés, ou pour ceux qui en veulent toujours plus, la Maison Tellier offre au téléchargement leur premier EP autoproduit en 2004.

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