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lundi 28 mai 2007

Pagan Wanderer Lu

Sous le pseudonyme Pagan Wanderer Lu, Andy Regan nous concocte depuis bientôt sept ans des petites chansons, à la croisée des chemins de la pop, de l'électronique et du folk. Bidouilleur hors pair et homme orchestre prolifique, il a sorti fin de l'année passée son 10ème EP "The Independant Scrutineer" sur le petit label londonien Brainlove Records. Cette collection de six chansons mérite amplement qu'une oreille attentive s'y attarde tant il y fond habilement des textes entre la rêverie et le désabus sur des mélodies pop extrêmement accrocheuses. Il compose typiquement des chansons à tiroirs, charmant l'auditeur attiré par son petit monde sucré avant de lui révéler toute la portée de son propos au détour d'un vers teinté d'humour.

Le premier titre de l'EP, "The Memorial Hall" en est l'exemple parfait. Après une introduction dépouillée, évoquant les guerres menées à l'étranger par son pays, le tout sur des sonorités graves, il lâche une ligne électronique dansante au possible soulignant la légèreté dans laquelle les gens continuent à vivre au pays. "Now we remember the Disco they're holding tonight at the memorial hall!" s'exclame-t-il subitement, lorsqu'au milieu de son laïus sur la guerre il se rappelle qu'il y a une fête le soir même au "Memorial hall". La guerre est remplacée dans son esprit par des rêveries de filles qui seront présentes ou pas le soir même. Le cas de conscience revient ensuite au galop lorsqu'il réalise que c'est peut-être indécent d'enflammer la piste de danse entouré de noms de vétérans gravés sur les mûrs... et puis non: "If there's a point to the fighting, any point at all, it's so we can dance in the memorial hall!".

Malgré des textes touchant à des sujets sensibles il serait injuste de classer Pagan Wanderer Lu comme un artiste politique, ou pire encore, "engagé". Les points de vue qu'il adopte sont ceux de tout-un chacun, il n'y a pas de condamnation du pouvoir ou de grands discours prêchi-prêcha. C'est simplement Mr Toutlemonde qui réalise que le nouvel hôpital qu'ils ont construit près de chez lui est complètement nul ("And you can paint a funny mural on the children’s ward but there’s not as many beds as there were before"), qui s'interroge sur son quotidien, etc. Peu d'artistes parviennent à mêler aussi habilement une musique naïve et un texte profond.

Pour terminer cette chronique, nous nous devons de mentionner le doublé "Repetition 1" et "Repetition 2", qui aborde joliment les questions que nous nous posons tous en voyant que certaines personnes préfèrent se faire exploser au milieu d'une foule plutôt que de vivre leur vie. Véritables pierres angulaires de cet EP, ces deux titres commençant par la même phrase "There's a brand new dance and It's easy to do" nous exposent deux facettes de leur créateur. "Repetition 2", que je vous propose d'écouter ici-bas, est issue du même moule que "Memorial Hall". Un titre pop, rêveur et ensoleillé, qui dans un monde parfait deviendrait une sorte de tube de l'été. Capable de faire danser et réfléchir à la fois, c'est PWL au sommet de son art. "Repetition 1" est une affaire plus intimiste, dénonçant les dérives de la routine d'un point de vue plus personnel, torturé.

Vous l'aurez compris, si vous êtes à la recherche d'une pop anglaise dansante et intelligente, foncez sur Pagan Wanderer Lu. Ses EP ne sont pas faciles à trouver sur un support physique en dehors d'Angleterre (bien que vous puissiez les commander facilement par Brainlove Records ou par un disquaire indépendant de qualité tel Norman Records). Pour palier à cela, son site personnel vous propose un album en téléchargement gratuit, son myspace offre bien sûr quelques titres en streaming et son dernier EP est disponible sur E-Music. Autant de moyens légaux pour soutenir un artiste qui le mérite, et qui lui permettront peut-être un jour de ne plus jamais s'entendre dire "I'm sorry Mr Regan but your card has been declined"...


Pagan Wanderer Lu - Repetition 2

(En accord avec Mr PWL, la chanson a été retirée après deux semaines.)


Site Officiel - MySpace - Brainlove Records - E-Music

vendredi 25 mai 2007

SEX-O-RAMA


Un billet assez court aujourd'hui en hommage à un art souvent méprisé, qui mériterait pourtant bien sa place au soleil: la bande originale de film érotique. Guitares wah-wah à tout va, petits rythmes suggestifs, montées en puissances et explosions... Quand on y réfléchit, la bande originale du film érotique des années 70 n'est en fait qu'une version un rien plus kitch du post rock popularisé par Mogwai et autres Explosions in the Sky. Enfin, quoique...

Les compiles Sex-o-rama ont réuni en deux volumes les plus grands hymnes de ce genre si particulier. Je pense que cela se passe de commentaires. Je vous joins juste le tracklisting des deux compiles et mes trois morceaux préférés parmi ceux-ci. Parvenir à garder son sérieux avec ces chansons en bande son de vos ébats, ça c'est une prouesse...


Sex-O-Rama : Music from Classic Adult Films - Volume 1

1. Debbie Does Dallas: The Shower Scene
2. I Like to Watch: It's Your Day
3. Taboo: Hello Mother
4. Behind the Green Door: Ravishing Marilyn
5. Sex World: Green Door Fantasy
6. Jade Pussycat: Introducing Johnny Wadd
7. Legend of Lady Blue: The Examination
8. Eruption: Driving Ms. Bovee
9. Seka's Fantasies: Funkgasm
10. Opening of Misty Beethoven: Napoleon
11. Amanda by Night: Main Title
12. Deep Throat: Main Title

Sex-O-Rama : Music from Classic Adult Films - Volume 2

1. Blow Me Down
2. Stiffed
3. Seduction
4. Sexercise
5. Love Muscle
6. Pearl Necklace
7. Big Top
8. Private Dick
9. Hard Times
10. Money Shot
11. Bottoms Up
12. Doctor Sex

I Like to Watch: It's Your Day



Seka's Fantasies: Funkgasm



Love Muscle

samedi 19 mai 2007

Xiu Xiu : Chapel of the Chimes


Deuxième volet de la rétrospective sur la carrière de Xiu Xiu à ce jour : Chapel of the Chimes. Après un premier album extrêmement lourd, voir trop lourd, en pathos Xiu Xiu reviennent avec un EP de cinq titres enregistrés pendant et peu après Knife Play. Sorti sur le label Absolutely Kosher en septembre 2002 (combien de fois en ai-je déjà parlé de ce label ? je ne compte même plus… pour rappel ils distribuent également entre autres les albums de Frog Eyes, Dead Science, The Wrens, etc), seulement 6 mois après Knife Play, cette petite collection fut considérée comme la suite logique du 1er album. A posteriori il est pourtant possible d’y déceler quelques éléments qui présagent des albums à venir.

Une chanson comme « Jennifer Lopez (sweet science version) » affiche clairement les ambitions du groupe. Beaucoup plus chargée et tendue que tout ce qu’on peut retrouver sur Knife Play, en deux minutes quarante seconde ce titre parvient à scotcher l’auditeur. Le violon celle simple mais distordu, la boite à rythme glaciale frôlant une rythmique drum & bass et l’harmonium en fond parviennent à créer une petite apocalypse bruitiste sur laquelle peut s’appuyer la voix torturée de Jamie Stewart. Les paroles sont complètement secondaires, difficiles à distinguer, mixées bien plus en retrait que sur le premier album. Seuls importent les sons mêlés et entre-mêlés. Connaissant nos larrons on devine qu’il n’est pas question de dauphins et de bisounours mais cela importe peu, cette chanson sonne la révolte là où les titres qui composaient Knife Play insinuaient un replis sur sois.

« I am the center of your world » est clairement une chanson mise de côté lors de la sélection des titres de l’album précèdent. Un piano dissonant avec un rythme cardiaque et un texte d’amour déçu qui évoque un « I broke up » ralenti et dépouillé. Légèrement dispensable donc mais sauvée par la voix de Stewart, qui chante la douleur comme personne d’autre. « King Earth, King Earth » par contre ne parvient jamais à décoller, les sons et le style y sont présents mais on s’ennuie ferme. « Ten Thousand Times a Minute » laisse un petit peu la même impression de complaisance. La musique de Xiu Xiu ne tient toujours qu’à un fil. Tant qu’ils parviennent à équilibrer les morceaux cela fonctionne à merveille mais ils basculent régulièrement dans l’autosatisfaction.

Alors que cet EP commençait à lasser, tout le génie et le talent de Jamie Stewart reviennent à l’assaut pour nous livrer une reprise du « Ceremony » de Joy Division. Joy Division n’a jamais véritablement enregistré cette chanson popularisée par les cendres du groupe (New Order), bien que des versions live circulent. Xiu Xiu par contre en ont fait quelque chose de bien plus grandiose et marquant que New Order. Conservant la mélodie de base de Ian Curtis et y ajoutant une ligne d’harmonium dévastatrice la chanson parvient à paraître joyeuse. Ian Curtis + Jamie Stewart = cœur ? N’allons pas jusque là mais on peut facilement imaginer les deux hommes le sourire aux lèvres en train de le jouer. Qui aurait cru que réunir les deux personnalités musicales les plus noires puisse donner quelque chose d’aussi optimiste ?





Xiu Xiu - Jennifer Lopez (sweet science version)




Xiu Xiu - Ceremony




Et une petite vidéo émouvante de Xiu Xiu en tournée dans des photomatons sur fond du "Ceremony" original de Joy Division

dimanche 13 mai 2007

Patrick Watson


Certains mythes planent sur le monde du rock comme des épées de Damoclès. Commandées par une armée de critiques et chroniqueurs, elles s'abattent inlassablement sur tout nouveau venu dont le style ou la voix ose évoquer un illustre aïeul. JF nous parlait il y a quelques semaines du toujours omniprésent fantôme de Noir Désir dans le monde du rock français lors de son billet sur La Maison Tellier, aujourd'hui c'est au tour d'une autre légende. Débarrassons nous donc immédiatement de ce spectre un peu trop pesant: oui, il est impossible en écoutant certains titres de Patrick Watson de ne pas penser à Jeff Buckley. Les deux hommes ont des voix similaires, aussi à l'aise dans les couplets plus graves que dans les envolées lyriques fragiles. Voilà, c'est dit, nous pouvons passer à autre chose car Patrick Watson a beaucoup plus à offrir qu'un simple pastiche de Grace.

Patrick Watson sont de Montréal même s'ils n'y sont pas nés. "Sont", parce que Patrick Watson est un groupe, qui porte le nom de son compositeur en chef. Pianiste classique et de jazz de formation, Mr Watson aime citer Debussy et Satie parmi ses influences principales et bien que sa musique soit plutôt orientée rock/songwriter on y retrouve bien tous ces éléments. Ses accompagnements au piano sont toujours superbes, souvent émouvants, rappelant la sensibilité du premier album de Maximilian Hecker. Le résultat est pourtant loin d'être dépouillé. Le groupe aime jouer sur des textures sonores, envelopper les mélodies dans des ambiances sous-marines à l'aide de sample vocaux bouclés et mis en écho ou d'un ballon gonflable libérant doucement son air sur les cordes d'une guitare. Loin de s'enfermer dans un carcan de singer/songwriter, le groupe n'hésite pas à expérimenter, à s'éloigner des mélodies pour complètement déconstruire la chanson et entrer dans des territoires plus sauvages, rugueux, sans jamais perdre l'attention de l'auditeur.

La musique du groupe prend véritablement toute son ampleur sur scène. Le talent de Patrick Watson (homme) et son sourire d'enfant, casquette avec oreilles battantes solidement vissée sur la tête, en font un personnage hypnotisant. Lorsque nos yeux parviennent finalement à se décrocher de lui on découvre pourtant tout un groupe terriblement efficace et dont la contribution à la musique est loin d'être anodine. La voix de Patrick Watson ramène pourtant toujours notre regard sur lui. Pendant que nous examinions le pedal steel du guitariste il s'est levé de son piano et avancé à l'avant de la scène armé d'un simple modulateur pour sa voix. Les sons qu'il parvient à en sortir sont captivants, sa technique unique. On se perd dans son chant et dans son assemblage d'échos, si bien qu'on ne réalise pas toujours que ce n'est parfois plus lui mais le batteur qui chante les backing vocals. Ce n'est pourtant pas un tricheur et il n'a nul besoin d'appareillages compliqués pour tenir la salle dans la paume de sa main. Il le prouve en descendant dans le public, pour un "Man under the sea" sans micro, accompagné à la guitare sèche et au tambour par le reste du groupe venu avec lui. Les sceptiques convaincus, ils peuvent retourner sur scène pour terminer la chanson sur des envolées de pianos et guitare électrique.

Trois chansons du deuxième album de Patrick Watson, justement intitulé "Close to Paradise" pour les découvrir. Nous suivrons la logique de ce billet dans leur présentation. Tout d'abord, "Giver" dans lequel le fantôme de Buckley est le plus présent. Ensuite "Weight of the World" qui mets bien en valeur les recherches sonores du groupes, l'utilisation des textures qui rendent ce disque véritablement hantant, la voix de Patrick Watson qui fait planer une tension légèrement inquiétante sur l'ensemble du titre. Finalement, "Man under the Sea", Patrick Watson dénué de tout artifice pour nous livrer une chanson simple et sublime.


Patrick Watson - Giver



Patrick Watson - Weight of the World



Patrick Watson - Man Under the Sea




Site Officiel - Myspace - Acheter "Close to Paradise" sur Amazon


Et comme si composer une musique aussi belle ne suffisait pas, leurs clips sont à également superbes... Voici ceux de "Drifters" et "The Great Escape"






Parce que certains n'en ont jamais assez, sur la video live filmée au festival Icelandic Airwaves l'an passé vous pouvez voir (après un peu plus de deux minutes de blagues style "stand-up" de notre homme) sa technique de chant particulière armé de sa pédale d'echo/loop.

samedi 5 mai 2007

Akron/Family


Attention, n'assistez jamais à un concert d'Akron/Family si vous n'êtes pas disposés à réévaluer à la baisse la prestation de 95% des groupes que vous ayez vus dans votre vie. Une intensité parfaitement maitrisée, que ce soit dans leurs moments électriques purement rock 'n roll ou dans leurs vocalises à quatre sur des titres aux odeurs de chants religieux des états confédérés. Une capacité à surprendre et à tenir en haleine un public en sautant avec une facilité déconcertante du folk lo-fi, au gospel, à la soul accapela, au rock/post-rock et même au hip hop légèrement funky. Tout cela au cours d'une même chanson parfois. Cela peut sembler tenir du gimmick mais ils le font avec une telle facilité et fluidité qu'il est impossible de ne pas être littéralement transporté dans ce voyage à travers les genres. Pour réaliser ce tour de force Akron/Family ne s'enferme pas non plus dans une bulle, l'interaction avec le public est maximum. Que ce soit par des claquements de doigts ou de mains, des danses au milieu du public, des chants repris en coeur par toute la salle, la distribution d'instruments à la vingtaine de personnes montées sur scène, leur manière de rebondir sur un "She loves you yeah yeah yeah!" lancé aléatoirement par un spectateur, ils utilisent de tous les moyens pour créer de l'interaction et établir une réelle relation avec les gens. Un concert d'Akron/Family ne se regarde pas, il se vit, le sourire jusqu'aux oreilles. Finalement, ce qui rend leurs concerts tellement agréable c'est la sensation d'assister non pas à un show bien rôdé mais une répétition. La répétition d'un groupe d'amis, prenant un plaisir fou à faire de la musique, sortis de tout cadre formatté, prêts à déraper et rebondir sur leurs inspirations du moment, là pour s'amuser avant tout et prêts à emporter avec eux quiconque se laissant succomber à leur joie de vivre communicative.

Avant de venir fouler de leurs pieds de micros le sol européen, le groupe a enregistré deux albums sur Young God Records, le label de Michael Gira (de Angels of Light, mais on retrouve également sur le label quelques têtes pensantes de la folk américaine comme Swans, Lisa Germano ou encore Devendra Banhart). Ils ont également sorti un album partagé avec lui, dont la moitié des chansons étaient de Akron/Family et l'autre de Angels of Light. Leur premier album éponyme est extrêmement calme, composé de chansons enregistrées à la maison. Des mélodies douces et mélancoliques dans lesquelles se cotoient les guitares, les craquement de chaise, les clochettes, les bruits d'eau, les banjos, les sonorités électroniques et les harmonies vocales. Un album délicat à écouter avec la plus grande attention et de préférence confortablement installés dans une veranda, jack on ice à la main, au crépuscule d'une journée caniculaire. "Meek Warrior", leur deuxième album complet, ne semble pas être l'oeuvre du même groupe. S'ouvrant sur le chaotique "Blessing Force" (9:30 au compteur) il rappelle plus leurs prestations live. Plus bruyant, moins cohérent que son prédécesseur, il ne se révèle véritablement qu'après plusieurs écoutes et prend tout sons sens après les avoir vus sur scène, surtout "love and space" final accapela ou chacun des membres du groupe se relaient pour invoquer dieu et lui demander d'ouvrir leur coeur à l'amour.

En écoute je vous propose deux titres, "Before and Again", plage d'ouverture de leur premier album. Très calme, quelques arpèges, un chant assez aigu accompagné d'harmonies (c'est la seule chanson où il chante de cette manière) et un bip-bip de Spoutnik pour accompagner le tout. One Two Three ça semble véritablement décoller et puis stop. Formidable début pour un album magnifique. La deuxième chanson, "Moment", est issue de l'album partagé pour moitié avec Michael Gira et ses Angels of Light. On y découvre l'autre facette de Akron/family, plus bruyante, énergique, chaotique et surtout imprévisible(le premier qui coupe le morceau avant 1:01 sera excommunié). Ce deuxième titre excellent est pourtant encore loin de faire justice à leurs prestations scénique...

Akron/Family - Before and Again



Akron Family - Moment



Site Officiel - Young God Records - MySpace - Amazon