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lundi 26 novembre 2007

Jonquil

Alors que l’hiver frappe à la porte l’envie de nous réchauffer au coin du feu de bois nous prend, un Jack Daniels à la main bien sûr, et les pieds solidement engouffrés dans la fourrure d’un ours blanc, cela va de soit. A cette petite scène bucolique loin du cliché hivernal manque pourtant un élément, la bande son. Ces quelques dernières semaines, « Lions », le deuxième album de Jonquil s’est montré un compagnon d’hibernation idéal. Les orchestrations légères et détachées y créent une atmosphère totalement envoûtante, évoquant tantôt la nonchalance parfaitement maîtrisée du premier album lo-fi de Akron/Family (« Lily »), tantôt la douceur de vivre aux teintes western d’Iron & Wine (« Magdalen Bridge »), ou encore certains passages de beauté nostalgique du « Tower of Love » de Jim Noir (« Sudden Sun »). Ce « Sudden Sun » justement est un bel exemple de l’étendue de la palette mélodique et rythmique du groupe, capables avec un simple rythme de métronome et quelques harmonies de transformer une balade sensuelle en un petit hymne joyeux à reprendre entre amis.

Mélangeant sans prétention des éléments puisés dans la pop, le folk, le post-rock et même le gospel, Jonquil séduit sans noyer l’auditeur. Ils nous ménagent même de subtiles transitions instrumentales entre les moments les plus forts du disque. La délicatesse et la fluidité avec laquelle ils mènent l’auditeur à l’un des points culminants de leur album, « Lions », est consternante. Quelques légères notes de xylophone se transforment en un rythme d’accordéon parisien ouvrant la voie à une chorale contant quelques brefs instants l’histoire d’un monde ou les lions auraient remplacés les hommes. Sorti de nulle part, ce morceau y replonge aussitôt, accompagné de bruits d’orage. On aimerait le suivre, voir ce qu’il advient de ce spectre rapidement évanoui mais le groupe à d’autres projets pour nous, d’autres horizons à nous faire découvrir.

Tout n’est pourtant pas réussi. Des titres comme « Whistle Low » manquent de peu de sombrer dans le grotesque lorsque les différents chanteurs prennent des voix graves et on ne peut s’empêcher d’éprouver un léger sentiment de redondance arrivant à la fin de l’album. Un goût d’inachevé également sur certains morceaux comme « Sleepy Little Pudding » où les bonnes idées et jolies cordes sont rapidement écartées pour laisser place à des divagations à l’intérêt limité. C’est là un des partis pris du groupe auquel il faut se faire pour réellement apprécier l’album, les plus beaux moments sont de courte durée. « I guess I should be afraid, thing is that’s a big decision » déclarent-ils, résumant ainsi parfaitement leur musique, ambitieuse mais insouciante. Enormément d’idées, d’assemblages et de bricolages qui entre les mains d’un autre groupe pourraient vite atteindre des sommets d’autosuffisance mais qui sur l’album de Jonquil s’imbriquent joliement, se complètent, ravissent et disparaissent bien avant de pouvoir être saisis.


Jonquil - Sudden Sun

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Jonquil - Lions

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Myspace

En rédigeant cette chronique je suis tombé sur un « Concert à Emporter » de la Blogothèque

avec Jonquil. Ce serait dommage de ne pas en profiter.






vendredi 23 novembre 2007

Blood Brothers R.I.P.


Après des semaines de rumeurs la nouvelle a été communiquée officiellement via leur site internet, les Blood Brothers ne sont plus. "Young Machetes", leur cinquième album sorti fin 2006, décrié comme leur pire opus par les fans de longue date était pourtant un de mes disques de l'année. Après un premier essai en demi teinte sur l'album précédent "Crimes", ils y avaient enfin trouvé l'équilibre entre les cris stridents et autres hurlements caractéristiques et leur sens de la mélodie qu'on leur soupçonnait depuis "Burn Piano Island Burn" mais qu'ils s'obstinaient depuis toujours à ensevelir sous leur son brutal. Beaucoup ont pensé qu'ils s'étaient ramolis mais ils livraient en réalité un album beaucoup plus subtil et varié. D'entrée de jeu les Blood Brothers donnaient le ton avec leur plus grand single, "Set Fire to the face on fire". Véritable hymne pyromane, à hurler dans sa voiture en reproduisant maladroitement les percussions sur son volant. Loin d'être un coup dans l'eau ils surenchérissaient sur le même album avec l'immense "Laser Life". "Young Machetes" est en fait l'album le plus chantable du groupe. Impossible de s'empêcher de les accompagner sur "Spit Shine Your Black Clouds" qui frole la balade romantique pour eux, d'hurler pendant "Vital Beach", d'entonner les "wooh-oh, oh oh oh!" de "Huge Gold AK-47", etc. C'est sans aucun doute mon album préféré des Blood Brothers et celui vers lequel je reviendrai le plus.

Les Blood Brothers ne sont donc plus et avec eux c'est tout un pan de mon univers musical qui est menacé d'extinction. Je ne veux pas être condamné à n'assister qu'à des concerts de folkeux pleurant sur leur guitare acoustique et autres bizaroïdes s'entourant de boites à rythme, pedales loop et synthétiseurs bricolés. Quel groupe pourra à l'avenir me fournir le bon concert énervé semestriel? Le paysage est loin d'être rose pour l'instant. Je ne crois pas en la reformation de Rage Against The Machine, At The Drive-In ont jeté l'éponge il y a des années, Death From Above 1979 aussi, Mclusky n'en parlons pas... Heureusement aucun des musiciens ne sont morts et ils sont tous actifs dans d'autres projets mais aucun n'atteignent le niveau du groupe qui a fait leur renommée. Jaguar Love et Neon Blonde, tous les deux issus des Blood Brothers peinent à convaincre. J'ai jamais pu encaissé The Mars Volta et malgré un bon premier album Sparta semble devenu un brin anecdotique. Seul Future of the Left, issus des cendres de Mclusky, sortent leur épingle du jeu avec "Curses" un des meilleurs albums de rock couillu de l'année.

Le quintet de Seattle nous quitte au sommet de son art, ça vaut probablement mieux comme ça. Avec leurs cinq albums et les deux concerts auxquels j'ai assisté (Pukkelpop 2005, Trix 2007) ils auront au moins contribué honorablement à me détruire les tympans. Merci.

vendredi 9 novembre 2007

This Town Needs Guns

La chronique des quatre titres de This Town Needs Guns présents sur l'album qu'ils partagent avec Cats and Cats and Cats, sorti mi septembre sur le label indépendant Big Scary Monsters (Yndi Halda, Meet me in St Louis, Jeniferever) me trotte dans la tête depuis quelques temps. J'écoute ces chansons tous les jours depuis des semaines, souvent plusieurs fois par jour, et je peine à identifier ce qui me séduit tellement chez ce quintet d'Oxford. Formation classique guitare/voix/basse/batterie/piano pratiquant un rock à la croisée des chemins de l'indie londonienne et des techniciens mélodiques du Nord de l'Angleterre on ne peut pourtant pas dire que le groupe révolutionne un genre. Peut-être est-ce le jeu de guitare, beau et rapide, technique sans en faire trop, privilégiant constamment la mélodie à la prouesse, dénué d’accords traditionnels, qui transforme véritablement la guitare en une deuxième voix, un second vecteur d'émotion. Ou encore ce piano qui accompagne subtilement les moments les plus doux de leur musique, sachant se faire oublier lorsqu'il n'est pas nécessaire, pour revenir en beauté souligner les plus beaux passages. Ou tout simplement la voix de Stuart Smith, toujours dans la retenue, parfaite pour des déambulations nocturnes nostalgiques dans les ruelles d'une ville pluvieuse. Nos groupes préférés ont tous un moment optimal pour être écoutés et pour moi c'est dans cette situation que j'apprécie le plus This Town Needs Guns; en rentrant chez moi de nuit, casque fermement vissé sur les oreilles, mains dans les poches, affrontant une fine bruine, le visage illuminé par les phares des voitures, le corps bousculé aléatoirement par les passants pressés tandis que mon esprit s'évade dans leur musique.

Leur musique pousse justement à la réflexion. Que ce soit par les notes qui nous évoquent des images du passé ou les textes détachés, de citadin désabusé, de grand enfant qui réalise qu'être adulte n'est pas tout ce qu'on lui a promis que ce serait.
"I'm sorry I'm a bit down tonight, but all my friends have lost their mind, once more, I'm not happy here anymore" déclare t-il en ouverture de "26 is dancier than 4" qui ouvre la face de l'album qui leur est consacrée. Il étale ensuite ses conclusions sur sa vie sans s'en plaindre, avec un défaitisme touchant dans sa voix, "It's just the same as it was before, same faces and I hit the floor", proposant ensuite un échappatoire auquel il ne semble pas véritablement croire "and we danced to all the same songs, like back when we were young, so let's get out of here while we can". Divagations d'un alcool triste qui ne trouveront pas de suites. Bizarrement le titre de leur deuxième chanson "If I sit still maybe I'll get out of here" semble plus approprié à leur première, mais ils choisissent de l’utiliser pour illustrer une relation sentimentale avortée. Après toutes ses introspections le groupe s'externalise enfin en guise de cloture avec "It's not true Rufus, Don't listen to the hat" sur laquelle ils semblent pour la premières fois sortir de leurs pensées pour adresser directement une troisième personne "Have some faith, don't you know that this is not a race, and we are not contenders". Cette sortie du cocon s'accompagne de moments beaucoup plus rudes, dans lesquels les guitares s'alourdissent, comme pour les protéger lors de cette incursion finale dans le monde extérieur. "We can only be ignored" concluent-ils. Qu’ils se détrompent.

Une fois encore je ne peux que vous encourager à vous
procurer légalement cet album, pour un maigre 7£, et ainsi soutenir un groupe et un label qui en valent vraiment la peine, pour qui chaque centime compte. Les quatre chansons de Cats and Cats and Cats sont de plus fort agréables aussi. En attendant la suite.


Site officiel - Big Scary Monsters - Myspace


This Town Needs Guns - 26 is dancier than 4

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lundi 5 novembre 2007

SDOLE Live

J'ai participé à un petit projet "Un concert - Trois chroniques" pour le blog de ToX. L'idée était d'obtenir trois points de vue différents sur le concert de Strange Death of Liberal England de ce samedi 3 novembre à la Rotonde du Botanique. Vous pouvez admirer le résultat en cliquant ici. Encore merci à ToX pour l'invitation.

et voici ce que j'en avais à dire...

Une entrée rapide et discrète sur la scène d’une rotonde à moitié remplie. Un membre du groupe agite un carton blanc arborant le nom du groupe en guise d’introduction, prenant à revers le public achevant sa commande au bar et l’ingénieur du son qui peine à retrouver la manette pour arrêter la musique. Une petite heure plus tard Strange Death of Liberal England quittera le champ de bataille à l’issue d’un concert blitzkrieg, comme ils sont arrivés, agitant simplement une pancarte « Dank U ». Entre les deux, pas une minute de répit. Le groupe enchaîne les titres de son premier album sans interruptions, quitte à prolonger un petit solo de guitare ou de batterie superflu pour laisser le temps aux autres membre du groupe de se réaccorder avant de se lancer dans le morceau suivant. Tel un bataillon de jeunes soldats guidés par la fougue et quelques grandes idées, doués mais bordéliques, attachants mais énervants, ils mènent leur assaut musical de Bruxelles comme ils l’entendent, quitte à déplaire.

Tandis que le claviériste se tient au garde à vous, Adam Woolway, chanteur et guitariste en chef, mène les hostilités avec sa voix faussée qui a le don de séduire ou de dresser les cheveux selon les moments. Malheureusement le réglage du son laisse un peu à désirer (fait rarissime dans cette salle) et ne lui rend pas justice. Le reste du groupe se plait à échanger d’instruments, rajoutant ainsi de la dynamique sans vraiment convaincre pour autant. Il n’y a par exemple pas de véritable batteur mais bien trois musiciens avec une formation en tambour. Aucunement dérangeant, cela renforce la martialité des rythmiques sur la plupart des morceaux mais ne leur fait pas honneur dans les envolées. Leurs compositions restent aussi solides que sur le disque. « A Day another Day », « An Old Fashioned War » et « Oh Solitude » sont livrées fidèlement. Parfois trop fidèlement. On aurait pu imaginer un prolongement de « An old Fashioned War» pour entraîner véritablement le public dans leur combat mais ils optent pour une fin abrupte. L’assaut final se fait sur « I saw Evil » où ils lâcheront enfin tout pour emmener leur chanson au niveau supérieur.

Un groupe prometteur donc, encore (très) jeune, mais qui possède énormément de qualités et qu’il faudra continuer à suivre. Reste à voir également combien de temps ils pourront conserver leur approche muette de l’interaction avec le public et si ils seront capables de trouver une autre solution sans pour autant sacrifier de la théâtralité qui fait leur charme.