Avant de continuer la série sur nos vieux amis j'aimerais revenir sur le premier album de Strange Death of Liberal England, "Forward March!", passé relativement inapperçu à sa sortie début juillet. J'ai moi-même déjà brièvement évoqué ce groupe de Portsmouth il y a quelques mois lors de la parution de leur premier 45 tours, l'impressionant "A Day, Another Day". Je les comparais à l'époque à un groupe imaginaire dans lequel les membres de Silver Mt Zion reprendraient du Arcade Fire. A l'écoute des huit titres qui composent ce court premier album je peux maintenant rafiner un peu cette description. Imaginez plutôt un Silver Mt Zion laissant toute sa prétention au vestiaire, se concentrant sur le principal, pour créer de vraies petites chansons pop où il n'y aurait pas de place pour les divagations erreintantes de leur leader. Rajoutez à cela l'enthousiasme et l'émotion véhiculés par cinq personnes chantant à l'unisson et vous obtiendrez des chansons concises et puissantes. L'ombre d'Arcade Fire planant lourdement sur la scène du rock indépendant depuis trois ans les assimilations vont pleuvoir mais ce serait injuste de les étiqueter comme imitateurs (même si il est difficile de ne pas penser à "Power Out" à l'écoute de "Oh Solitude"). Arcade Fire eux-mêmes n'ont fait que joliement remettre au gout du jour des recettes déjà testées et approuvées par Talking Heads dans les années 80 ou les Beach Boys avant eux.
"Modern Folk Song" ouvre l'album sur une guitare acoustique et électrique qui s'entremêlent délicatement, servant de fond mélodique aux harmonies d'Adam Woolway. Cette première minute trompeuse est immédiatement balayée par l'artillerie lourde du groupe, leur leader déclarant "Thanks but I'll go my own way" comme un pied de nez à l'aspect conventionnel de leur introduction. Les guitares électriques se font aériennes et la grosse caisse démarre pour rythmer leurs voix à l'unisson. "Oh Solitude", deuxième single du groupe, sonne l'urgence et l'enthousiasme rêveur d'une jeunesse armée de tambourins et de grandes idées ("I paint my dreams upon the wall!"). "A Day, Another Day" reste le single imparable découvert en mars dernier, comme une fanfare découvrant le post-rock. C'est pourtant "An Old Fashioned War" qui vole la vedette sur ce premier album. Le groupe semble y prendre la tête de l'armée fantoche du magicien d'Oz pour la mener au front sur une chanson s'accélérant à la manière d'une kalinka.
Sur "Mozart on 33" Strange Death of Liberal England parvient à éviter le sentiment de redite sur un titre plus faible grâce à l'introduction d'un banjo. Suivent deux titres formant une sorte de diptyque clair/obscur où les meilleurs sentiments du groupe sont contrebalancés sur une chanson où le ton et les instruments se font beaucoup plus agressifs et menaçants. L'album se clos finalement sur un morceau dispensable à la lumière de ce qui a précédé, où le groupe retrouve ses profondes influences et prouve au monde entier qu'ils ont très bien assimilé leur leçon de Mogwai.
Difficile de comprendre pourquoi un album de cette trempe reste aussi confidentiel. Un rapide coup d'oeil sur Hype Machine nous révèle que seuls deux blogs sur les milliers référencés ont évoqué le groupe depuis la sortie de leur album. Une injustice que j'espère contribuer à réparer à ma manière.
Après deux mois et demi d'errances je me retrouve à la tête d'une montagne de nouveaux albums à écouter et digérer. Avant de me lancer dans les découvertes je me réfugie dans le confort des territoires connus, les nouveaux albums de quelques vieilles connaissances. Impressions
Stars - In Our Bedroom After the War
Je n'ai jamais été très client des canadiens de Broken Social Scene. J'ai pourtant longtemps essayé. C'est finalement après un concert légèrement ennuyeux que j'ai capitulé, ce groupe ne me touche pas. Tout le contraire du projet parallèle de Torquil Cambpell et Amy Milan, Stars. "Set Yourself on Fire" fut un de mes disques de chevet en 2005 et leur concert à la rotonde du Botanique de Bruxelles reste un de mes plus beaux souvenirs de scène (et je ne pense pas trop m'avancer en disant que ce le fut également pour eux si on en croit un Torquil au bord des larmes répétant entre chaque morceau que c'est le plus bel endroit dans lequel ils aient jamais joué, leur meilleur concert). Que penser donc de ce nouvel album qui contient à la fois le meilleur et le pire de la carrière du groupe? Si l'on s'arme de son bouton skip, c'est une belle réussite, le digne successeur de "Set Yourself on Fire". Après une petite intro rythmée par un battement de coeur "The night starts here" ouvre le bal de manière ambiguë. Opposition entre des nappes de synthétiseur et de basse saturées de feedback et les voix de Milan et Campbell qui se répondent. Passé la première surprise il faut reconnaître que cela fonctionne plutôt bien. "Take me to the Riot", premier single annoncé, est calibré FM. Leurs deux voix à l'unisson dans les couplets et un refrain accrocheur, rapide, où Campbell peut se se lâcher. Jamais conventionnel pour autant.
L'album coule ensuite (très) joliment jusqu'à "Ghost of Genova Heights" où Campbell déchaîne son funk intérieur. L'effort est louable mais n'est pas Prince qui veut. Skip. Comme sur tous les albums de Stars à ce jour (c'est leur quatrième), la deuxième partie (Face B?) est sensiblement plus faible que la première mais reste de bonne facture si on oublie "Barricade" qui semble tout droit sorti d'une comédie musicale américaine sur la révolution française. L'album se termine par contre sur un titre monumental, peut-être mon préféré de Stars à ce jour, où Campbell y réussit tout ce qu'il a raté sur "Barricade". Bien sûr il faut ranger sa carapace au placard. De toutes façon Stars n'a jamais été un groupe pour machos. Je ne peux m'empêcher de penser au "I Fought in a War" de Belle And Sebastian en l'écoutant. C'est une overdose de sucre (Campbell n'a jamais aussi bien crooné), truffé de bons sentiments ("Listen the birds sing! Listen the bells ring! The War is over!"), pompeux à souhait (merci les violons et l'envolée). Ca pourrait très bien être le bouquet final de leur comédie musicale. Pourtant c'est parfait.
J'ai déjà longuement évoqué "Black Sheep Boy" dans ces pages virtuelles. Tout comme Stars, le précédent album d'Okkervil River a longuement usé mon lecteur. Will Sheff et sa bande nous reviennent deux ans plus tard et une chose est sûre, ils veulent réclamer leur dû. "Black Sheep Boy" a rencontré un beau succès d'estime mais ne les a pas (et c'est injuste), révélés à un plus large public. Ils l'ont mauvaise. Will a sorti sa guitare éléctrique et la grosse caisse est dépoussiérée. Le ton est donné immédiatement sur "Our Life is not a Movie or Maybe". Ce disque sera résolument rock, le son plus gros. Fini de se lamenter avec une guitare acoustique dans des jardins fleuris (cfr concerts à emporter). Les rythmes s'accélèrent, les pianos se saccadent et un solo de guitare électrique couillu fait même son apparition. La voix de Sheff douce et grave dans les moments plus calme vire à l'aigu quand il s'excite et il dévoile une agressivité qu'on ne faisait que lui soupçonner jusqu'à maintenant. Sur "A Hand to Take Hold of the Scene", le troisième morceau de l'album, le groupe surpris par tant de hargne semble tenter d'adoucir le propos de son chanteur en lui joignant quelques coeurs féminins et une section cuivre.
Comme s'il avait compris le message, Sheff fait un virage à 180°. "Savanah Smiles", une berceuse rythmée par une horloge et menée au xylophone. Tant pis pour ceux qui avaient succombé à ce côté plus sombre, la suite de l'album sera résolument plus calme. "Plus Ones" aurait pu figurer sur "Black Sheep Boy", c'est de l'Okkervil River pur jus. Simple et beau. Quelque part à la croisée des chemins de l'americana et du folk. Will Sheff y console une amie comme seul un homme qui a également beaucoup souffert peut le faire, "No one wants to hear about your 97th tear...". Par le passé il aurait peut-être interprété cette chanson seul à la guitare mais aujourd'hui il s'adjoint d'un piano et de cuivres. C'est là la principale faiblesse de l'album. Tous les instruments qui entourent Sheff durant les moments plus calmes ne parviennent pas véritablement à convaincre. Un sentiment que l'on retrouve malheureusement trop souvent sur des chansons en demi-teinte. Okkervil River fonctionne le mieux en mode rock sans complexe ou complètement dépouillé mais peine à trouver un juste milieu. Les titres plus calmes teintés d'americana à coup de pedal steel et de piano semblent trop chargés et on se surprend à n'apprécier véritablement que les passages où Will Sheff se retrouve seul. Ce juste milieu ils en sont pourtant capables, la preuve avec le superbe "Title Track" où la voix et les instruments parviennent à se compléter sans jamais se mélanger.
« Black Sheep Boy », s’ouvrait sur la reprise de la chanson de Tim Hardin du même nom. Cette fois-ci les Okkervil River décident de rendre hommage à un de leurs aînés en clôture d’ album. « John Allyn Smith Sails » se transforme petit à petit en « Sloop John B » de Brian Wilson. « I feel so broke up, I want to go home ». Bien malin celui qui décèlera un thème récurrent…
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